lundi 1 août 2011

le propriétaire, responsable des déchets sur son terrain

Par un arrêt du 26 juillet dernier, le Conseil d'Etat a précisé que
"le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l'absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain"


En l'espèce, le propriétaire était l'ancien exploitant d'une usine de régénération de caoutchouc, mais qu'il avait cédé le fonds de commerce, tout en vendant son stock, à une société devenue en liquidation judiciaire et avait cessé toute activité.

Le Conseil d'Etat précise que

Si ces pneumatiques sont devenus des déchets à la suite de leur abandon, les requérants, en leur seule qualité de propriétaires du terrain sur lequel ont été entreposés les déchets et en l'absence de tout acte d'appropriation portant sur ceux-ci, ne peuvent être regardés comme ayant la qualité de détenteurs de ces déchets au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement et comme ayant ainsi celle de responsables au sens de son article L. 541-3, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;

vendredi 12 février 2010

L'état de santé d'un salarié ne justifie pas un retard dans la carrière

Ainsi vient de la décider la chambre sociale de la cour de cassation par un arrêt du 28 janvier dernier. Il s'agit en effet pour la Haute juridiction d'une discrimination prohibée :

Attendu que pour rejeter les demandes de M. M..., l'arrêt retient que la situation de l'intéressé avant la titularisation se caractérisait par une ancienneté de service effectivement moindre, en raison notamment de durées d'embarquement plus brèves que celles d'autres collègues titularisés avant lui, ainsi que par de fréquents arrêts de travail pour maladie, de sorte que le défaut de présentation à la titularisation en découlant ne pouvait être tenu pour discriminatoire, et que l'employeur établissait ainsi que la disparité de situation invoquée par M. M... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu, cependant, d'une part, que lorsque le salarié qui invoque un retard de carrière discriminatoire présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; d'autre part, qu'il résulte notamment des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail qu'un salarié ne peut faire l'objet d'une mesure de discrimination, directe ou indirecte en matière de classification ou de promotion professionnelle en raison de son état de santé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la justification du retard de carrière par les absences pour maladie se heurte à la prohibition de la discrimination à raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés :

L'illégalité de la suppression anticipée de la publicité sur les chaînes de France télévision

La position du Conseil d'État ne faisait plus guère de doute. En effet, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 3 mars 2009, avait précisé que l'interdiction de la commercialisation des espaces publicitaires dans
les programmes nationaux des services de communication audiovisuelle de
France Télévisions, qui a pour effet de priver cette société nationale
de programme d'une part significative de ses ressources, doit être
regardée comme affectant la garantie de ses ressources, qui constitue
un élément de son indépendance ; qu'il s'ensuit que le 11° du I de
l'article 28 de la loi déférée, qui n'est pas dépourvu de portée
normative, relève du domaine de la loi .


Seulement, le Conseil Constitutionnel n'avait tiré aucune conséquence de la circonstance que la mesure avait été déjà prise incompétemment par le conseil d'administration de France télévision sur ordre de la ministre.

Dans ces conditions, la décision du Conseil d'État ne pouvait réellement constituer une surprise. Elle est identique à celle du Conseil Constitutionnel.

Après avoir précisé que l'injonction ministérielle faisait grief et que les usagers de France télévision avait un intérêt à demander l'annulation de la lettre de la ministre et de la délibération du Conseil d'Administration de France Télévision, le Conseil d'État précise que le juge administratif est bien compétent pour statuer sur la légalité de la délibération dudit Conseil d'Administration. Bien que France Télévision soit une société de droit privé, elle gère un service public. Or, les règles de commercialisation des espaces publicitaires affecte la garantie des ressources de la société. En ce sens, cette décision relève de l'organisation même du service public et constitue un acte administratif relevant du contrôle contentieux du Conseil d'État.

Ensuite, le juge rappelle qu'il incombait au seul législateur de prendre ce type de décision :

Considérant que la décision de renoncer à la commercialisation des
espaces publicitaires dans les programmes des services de communication
audiovisuelle de France Télévisions pendant une part substantielle du
temps d’antenne, qui a pour effet de priver cette société nationale de
programme d’une part significative de ses recettes, doit être regardée
comme affectant la garantie de ses ressources, qui constitue un élément
de son indépendance ; qu’une telle interdiction relève dès lors du
domaine de la loi ; qu’à la date de la décision attaquée, aucune
disposition législative n’interdisait la commercialisation des espaces
publicitaires entre 20 h et 6 h sur France 2, France 3, France 4 et
France 5 ; que, par suite, le ministre de la culture et de la
communication n’avait pas le pouvoir d’enjoindre à la société France
Télévisons de prendre les mesures que comporte sa lettre du 15 décembre
2008 ; qu’il en résulte que cette dernière doit être annulée ;


Si la décision du Conseil d'État a une portée symbolique, ou est dépourvue de tout effet pratique, c'est aussi à cause du Conseil d'État lui-même. En effet, il a rejeté une demande de suspension de l'exécution des décisions en cause par ordonnance du 6 février 2009 pour...défaut d'urgence :

Considérant que le projet de loi relatif à la communication
audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a été, à la
date de la présente ordonnance, adopté par le Parlement ; que la loi,
est, sous réserve de la saisine du Conseil constitutionnel, en instance
de promulgation ; que, par ailleurs une dotation de 450 millions
d'euros a été inscrite dans la loi de finances pour 2009 afin de
compenser les pertes de recettes publicitaires du groupe France
Télévisions ; que l'illégalité invoquée des actes dont la suspension
est demandée ne serait pas par elle-même de nature à caractériser une
situation d'urgence ; qu'enfin, la suspension, demandée les 19 et 23
janvier 2009, n'aurait d'effet pratique sur la programmation qu'au
terme d'un délai de plusieurs mois, eu égard aux contraintes du marché
de la publicité et à celles de la programmation des émissions de
télévision ; qu'ainsi, la condition d'urgence exigée par l'article L.
521-1 du code de justice administrative pour qu'une suspension puisse
être prononcée n'est pas satisfaite ; que par suite les requêtes ne
peuvent qu'être rejetées, y compris en ce qu'elles comportent des
demandes de remboursement des frais exposés et non compris dans les
dépens ;

Il est dommageable que les citoyens n'aient pas toujours à leur disposition des moyens efficaces pour faire respecter les règles élémentaires de la séparation des pouvoirs et de la compétence respective des pouvoirs publics. L'indispensable vigilance démocratique est ainsi privée des outils qui lui permettraient d'exercer son rôle de contre pouvoir.

mardi 9 février 2010

Un nouveau cas d'accident de trajet

Par un arrêt en date du 29 janvier 2010, Mme O n°314148 (Dalloz actualités 03/02/2010) le Conseil d’Etat a rajouté une nouvelle catégorie aux accidents de trajet. Un accident de trajet est lié au service, dès lors qu’il survient durant le trajet direct domicile travail, mais aussi lors d’un détour lié aux nécessités de la vie courante (ce qui n’est pas le cas, à mon sens, du détour lié au dépôt de son enfant à une école). A cela s’ajoute l’accident survenu à un fonctionnaire qui s’est involontairement écarté de son trajet domicile travail.

En l’espèce, il s’agissait d’un agent hospitalier qui, rentrant chez lui, a été victime d’un accident mortel dans une gare située après celle où il aurait du descendre habituellement pour changer de train. Le Conseil d’Etat suppose qu’il s’était assoupi.

La haute Juridiction censure la raisonnement tenu par les juges du fond :
« Considérant que, pour décider que l’accident à l’origine du décès de M O ne revêtait pas le caractère d’un accident de service, le tribunal administratif a relevé que la gare de Laigneville, située sur la ligne de chemin de fer en direction d’Amiens après celle de Creil où l’intéressé changeait habituellement de train pour en prendre un autre en direction de Compiègne, jusqu’à la gare de Villiers-Saint-Paul, commune où il résidait, se trouvait en dehors de l’itinéraire normal de la victime, alors que, comme le soutenait (sa femme) M O se serait endormi dans le train et réveillé à Laigneville, n’était lié ni en relation avec les nécessités de la vie courante, ni en relation avec l’exercice des fonctions de M O ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si l’écart de trajet effectué par M O avait, comme il était soutenu, un caractère involontaire, le tribunal a entaché sa décision d’une erreur de droit. »

Après avoir annulé le jugement, le Conseil d’Etat tranche directement le litige opposant la caisse des dépôts et consignation à la veuve du fonctionnaire :
« Considérant que…l’accident est survenu sur la ligne de chemin de fer qu’empruntait habituellement M O pour se rendre de son travail à son domicile, dans une gare située juste après celle où il devait prendre une correspondance ; qu’il résulte de l’instruction que cet écart par rapport au trajet habituel de l’intéressé est dû à l’assoupissement de ce dernier et ne traduit aucune intention de sa part de ne pas rejoindre directement son domicile dans un délai habituel ; qu’ainsi, et alors même que l’accident serait imputable à une faute de l’intéressé, M O doit être regardé comme n’ayant pas quitté son itinéraire normal ; que l’accident dont il a été victime a, par suite, le caractère d’un accident de service »

En conséquence, la décision de la caisse des dépôts et consignation est annulé et la veuve de l’intéressé avait bien droit à la réversion de la rente d’invalidité de son mari.

Cette jurisprudence doit être approuvée. La solution inverse retenue par le tribunal administratif était à notre sens trop sévère, s’agissant d’un cas où la victime de l’accident s’était éloignée de son trajet de façon involontaire. On remarquera que pour se faire, le juge n’hésite pas à utiliser une fiction juridique M O « doit être regardé comme ne s’étant pas quitté son itinéraire normal ». Ainsi, les considérations d’équité ne sont pas toujours étrangères aux décisions que prend le Conseil d’Etat. On remarquera que la porte ouverte par le juge à un nouveau cas d’accident de trajet imputable au service n’entraînera pas de dérive engendrant un nombre très importants de nouveaux accidents de trajet. On ne voit d’ailleurs guère que les transports en commun qui seraient en cause, et encore, faut-il, bien entendu, que l’agent ait emprunté son trajet habituel. Enfin, on remarquera que la caisse des dépôts et consignations n’est pas admise à invoquer la faute de la victime. Autrement dit, la faute de la victime est sans incidence sur la qualification d’accident de trajet…

lundi 18 janvier 2010

La légalité d'un nouveau permis au regard d'une construction existante non conforme

Le fait qu'une construction existante n'est pas conforme une à une disposition d'un plan d'occupation des sols ne s'oppose pas forcément à la délivrance d'une nouveau permis.

En effet, par cet arrêt du 9 juillet 2008, le Conseil d'État précise que lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une disposition d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé, cette circonstance ne s'oppose pas à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues

Par ailleurs, la haute juridiction ajoute que "dans l'hypothèse où le permis de construire est relatif à une partie d'un ouvrage indivisible, il y a lieu d'apprécier cette meilleure conformité en tenant compte de l'ensemble de l'ouvrage"

Il s'agissait en l'espèce de 15 pylones d'une ligne électrique installés en 1959 que le Conseil d'État qualifie d'ouvrage indivisible par nature. Ils se trouvaient en contrariété avec la servitude de reculement rendue applicable sur la voie publique par un article du POS approuvé en 1992 : le projet consistant à aménager le pylône n° RD 22 en pylône aérosouterrain avait pour objet l'enfouissement des quatorze autres pylônes ; que si cet enfouissement n'était pas inclus dans le permis de construire parce qu'il ne nécessitait pas d'autorisation, il faisait partie du même aménagement de l'ouvrage ; que, par suite, en jugeant que la conformité à l'article UG 6 du plan d'occupation des sols devait s'apprécier au regard du seul pylône n° RD 22, sans tenir compte des modifications apportées à l'ensemble de l'ouvrage constitué par la ligne électrique, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit

lundi 11 janvier 2010

Dernières jurisprudences en droit des contrats administratifs

Je voudrais souligner ici deux jurisprudences importantes touchant le droit des contrats administratifs, et plus exactement leur formation.

La première, le Conseil d'État décide par un arrêt d'assemblée (formation la plus solennelle de la haute assemblée) en date du 28 décembre dernier que

Considérant, en premier lieu, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;

Considérant, en second lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l' exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;


En l'espèce, le Conseil d'État n'hésite pas à remettre en cause la solution retenue en 1996 par sa formation consultative à propos des conséquences à tirer par la signature d'un contrat avant la date à laquelle la délibération autorisant l'autorité territoriale à le signer n'a été rendu exécutoire par sa transmission au contrôle de légalité. On peut comprendre le soucis du Conseil d'État de faire prévaloir le soucis de loyauté dans les relations contractuelles et leur stabilité , c'est à dire la sécurité juridique et la force obligatoire des contrats, mais il faut reconnaître qu'il s'affranchit quelque peu de la lettre du code général des collectivités territoriales. Néanmoins, ce louable soucis se paye d'un accroissement de...l'insécurité juridique. Car il sera de plus en plus difficile à l'administration et à ses partenaires de déterminer avec certitude quel type d'irrégularité pourra entraîner la nullité du contrat.

Le défaut d'information des candidats à une DSP sur les critères de choix peut elle entraîner la nullité du contrat par exemple ? Ce n'est pas à cette question qu'a répondu le Conseil d'État par un autre arrêt du 23 décembre. Il s'agissait en effet d'un référé précontractuel introduit par un candidat malheureux à une délégation de service public avant donc que la convention ne soit signée (puisque le juge des référés précontractuel se déclare incompétent quand la convention est signée). Dans cette espèce, le Conseil d'État étend les obligations de transparence qui pèse sur les collectivités délégante, donnant plein effet principes généraux du droit de la commande publique que sont le liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures. Ainsi, il contribue au rapprochement des régimes des marchés publics et des délégations de service public et fait croire que l'évolution de sa jurisprudence ne doit rien au droit communautaire, malgré l'évidence :

Considérant, en deuxième lieu, que les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ; que, pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats à l'attribution d'une délégation de service public, avant le dépôt de leurs offres, une information sur les critères de sélection des offres ; que la circonstance que les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques prévoient seulement que, après avoir dressé la liste des candidats admis à présenter une offre, la collectivité publique adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager , est sans incidence sur l'obligation d'informer également ces candidats des critères de sélection de leurs offres ; que, toutefois, les dispositions de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 prévoyant que la personne publique négocie librement les offres avant de choisir, au terme de cette négociation, le délégataire, elle n'est pas tenue d'informer les candidats des modalités de mise en œuvre de ces critères ; qu'elle choisit le délégataire, après négociation, au regard d'une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en œuvre préalablement déterminées ; que ces règles s'imposent à l'ensemble des délégations de service public, qu'elles entrent ou non dans le champ du droit communautaire ; qu'ainsi, le juge des référés ayant qualifié la convention litigieuse de délégation de service public, il n'a pas commis d'erreur de droit en annulant la procédure de passation au motif que l'absence d'information des candidats sur les critères de sélection des offres, avant le dépôt de celles-ci, était constitutif d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

mardi 5 janvier 2010

La résiliation de la fourniture de 50 millions de doses de vaccin

Si nous en croyons Le Monde.fr dans cet article, le gouvernement s'apprêterait à résilier 50 millions de doses de vaccin sur les 94 millions qu'il a commandé aux laboratoires pharmaceutiques. Le calibrage des commandes avaient été effectué sur la base d'une vaste campagne de vaccination de la population avec possibilité d'injection de deux doses par personnes vaccinées. Le virus de la grippe H1N1 s'avérant pour le moment moins virulent que prévu, les autorités françaises se retrouvent avec des doses de vaccin dépassant largement les besoin, créant d'ailleurs un début de polémique. Cette résiliation partielle de la commande initiale génèrerait une économie de plus de 350 millions d'Euros. Pas négligeable en soit, mais une goutte d'eau dans l'accumulation préoccupante des déficits publics. En effet, selon L'INSEE, la dette publique brute s’établit à 1 457,4 Mds€ (lire l'article sur le site de l'institut, ainsi que celui de Laurent Mauduit, dans Médiapart).

"Ces commandes n'avaient été ni livrées ni payées, elles sont donc résiliées", selon Mme Bachelot. Mais tout cela est un peu cavalier et ne répond pas aux exigences juridiques car les cocontractants de l'administration ont tout de même des droits à faire valoir. la réalité risque donc d'être différente de celle qu'affirme la ministre. Mais quelles sont le possibilités de résiliation à la disposition des pouvoirs publics. En droit administratif, qui concerne les administrations dans les relations avec les particuliers, personnes physiques et personnes morales, il en existe 3. Écartons d'emblée l'hypothèse de la résiliation pour faute. Aucune faute contractuelle ne peut être reprochée aux laboratoires dans la livraison des doses de vaccin ou dans les vaccins eux-mêmes. Restent donc les hypothèses de la résiliation unilatérale et de la résiliation amiable.

La résiliation unilatérale constitue une prérogative de puissance publique à la disposition de l'administration dans tout contrat administratif. Même si elle n'y est pas expressément habilitée dans le contrat qui la lie avec son cocontractant, l'administration peut mettre unilatéralement fin au contrat pour tout motif d'intérêt général. En l'espèce, nous somme bien en présence d'un contrat administratif. En effet, la commande de doses de vaccins par l'État pour des motifs de santé publique constitue un marché public de fournitures. Selon l'article 2 du code des marchés publics "les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services". Et l'État est bien entendu un "pouvoir adjudicateur". Enfin, les marchés publics constituent des contrats administratifs par détermination de la loi. Cependant, étant donné qu'aucune faute ne peut être reprochée aux laboratoire, cette résiliation leur ouvre droit en principe à l'indemnisation du préjudice qu'ils pourraient subir de cette résiliation. Dans ce cas, le préjudice est constitué par le bénéfice dont ils seraient privés par cette résiliation ainsi que le coût de la production des vaccins. Cela étant, si la résiliation leur permet de revendre les doses surnuméraires à d'autres pays au même prix, le préjudice serait alors réduit, voire même, inexistant.

Les pouvoirs publics peuvent aussi s'engager dans la voie de la résiliation amiable. Dans ce cas, la résiliation prend la forme d'un avenant au contrat initial, qui réduirait alors la voilure. C'est l'hypothèse la plus favorable pour l'administration, car elle élimine tout risque contentieux du fait de la résiliation elle-même. Toutefois, l'avenant devrait en principe régler le sort d'éventuels préjudices, et de leur indemnisation. Sinon, il s'agirait, pour les laboratoires, d'un abandon de créances. Et selon les cas, les abandons de créances peuvent être qualifiés d'actes anormal de gestion, et taxés comme tels, voire, comme un abus de bien social. Hypothèse peu vraisemblable tout de même, dans la mesure où on peut considérer que les laboratoires, qui ont des liens étroits avec les pouvoirs publics, ont intérêt à consentir des avantages au pouvoir public. L'abandon de créance hypothétique devrait donc pouvoir aisément entrer dans l'objet social des entreprises concernées.

Cependant, en tout état de cause, il paraît tout de même prématuré voir périlleux d'affirmer qu'une économie de 350 millions d'euros va être réalisée du fait de la résiliation d'une partie des commandes de doses de vaccins. D'autant plus que les laboratoires semblent avoir appris cette résiliation en même temps que le public. Ainsi, si l'ont en croit laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), il se dit "prêt à rediscuter" avec le gouvernement français le contrat portant sur la livraison de ces 50 millions de doses de vaccin. "Dans le contexte actuel, s'il y avait une demande du gouvernement, nous sommes prêts bien sûr à rediscuter du contrat que nous avons signé ensemble". Et la laboratoire suisse Novartis indiquait pour sa part ne pas être "en phase de renégociations avec la France".